Mon école

« Debout sur son bureau, le professeur s'égosille à faire taire ses élèves. 

Ceux-ci, pris d'un accès de folie collective, empoignent le prof par la jambe, le jettent au sol et le traînent par la cheville hors de la classe pour finir leur glissade dans le couloir ». 

L'information vient de tomber comme ça, sans commentaire, entre la croissance « désespérément » à zéro et une pub pour un tout nouveau téléphone encore plus performant. 

Bien sûr il ne s'agit que d'une situation extrême, un épiphénomène mais les médias nous relatent de plus en plus fréquemment ce genre d'informations. 

A soixante-huit ans je ne comprends pas cette actualité. 

Je crains de me retrouver dans un monde qui marche sur la tête. 

Comment sommes-nous passés de mon école (publique) à ce foutoir où les élèves rejettent l'autorité, toutes les autorités quelles qu'elles soient ? 

À qui la faute si faute il y a ? 

Les bouleversements profonds de 68 ne seraient-ils pas à la base de cette pétaudière ? 

Là où la rigueur de l'enseignant permettait à la plupart des élèves d'atteindre un niveau d'instruction propre à mener une existence honorable se trouve une fonction, un « agent », un simple citoyen recruté par concours basé sur ses connaissances et non sur ses compétences donc rétribué pauvrement alors que le métier d'enseignant devrait être au niveau de celui de médecin. 

À mon avis la santé et l'enseignement sont les deux priorités de tout pays qui se veut progressiste. 

C'est un choix politique de la nation. 

Nous avons les enseignants que nous choisissons. 

Si nous préférons former des ingénieurs, des commerciaux, des banquiers qui touchent des salaires de ministres dix fois supérieurs à celui des « profs » c'est NOTRE responsabilité. 

Ils continueront de fabriquer des objets inutiles que les grandes surfaces vendront à grand renfort de publicité aux chalands fascinés par la nouveauté et qui finiront par grossir encore plus les montagnes de déchets dont on ne sait que faire. 

Mais alors il ne faut pas s'étonner de l'écart qui se creuse entre les couches de la société. 

Les pauvres se révolteront et iront voler les biens des riches qui ne savent plus quoi faire de leurs grosses bagnoles, smartphones et autres gadgets polluants. 

Le « toujours plus », cette sacro-sainte croissance qui nous dirige droit vers le mur, est à la base de ce marasme de l'éducation nationale. 

L'éducation de l'élite est confiée au privé qui sélectionne les siens, les meilleurs, lisez « les plus riches » et la nation, la masse des oubliés, les loqueteux se contentent des restes et se disputent les miettes. 

Les valeurs encore en vigueurs depuis la fin de la dernière guerre (pour combien de temps?) avaient pour nom respect, entraide, travail, honneur, honnêteté, loyauté, dignité ... 

Qu'avons-nous fait de ces richesses, les seules à mon sens qui vaillent la peine d'être préservées ? 

Au nom de la liberté nous les avons piétinées. 

Au nom de l'égalité nous nous sommes assis dessus. 

Mais sans ces valeurs nous avons détruit la fraternité, ce lien qui avait repris tant de sens lors des jours sombres de la guerre. 

Il a fallu reconstruire sur les ruines une économie d'urgence et les jeunes représentaient l'espoir en l'avenir du pays. 

Ce que les maîtres nous apprenaient avait une utilité immédiate et concrète. 

Les parents comprenaient cet enseignement qu'ils avaient eux-même reçu à cet âge. 

La confiance envers le maître était totale et les jeunes savaient pourquoi ils allaient à l'école. 

Alors oui les profs ne sont plus les maîtres, les élèves ne sont plus des enfants et leurs parents font de l'argent. 

La culture vient d'Internet, le savoir vient des médias et la rue fait le reste pour les plus démunis. 

Pour ces derniers l'avenir est bouché. 

Les métiers de demain ne sont pas connus. 

Ceux d'aujourd'hui sont éphémères et leur évolution si rapide que seuls les meilleurs y ont accès. 

Avec la mondialisation c'est l'économie tout entière qu'il faut repenser. 

Cela suppose la refonte du système éducatif, le partage du travail, les mêmes règles pour tous, un retour à des valeurs plus humaines et un mode de vie plus simple. 

Cela suppose aussi une fraternité entre les peuples et une solidarité entre les nations. 

Enfin cela suppose le partage des valeurs autant que des richesses naturelles et le respect de notre planète. 

Vivement la décroissance !