Obécalp

 


Mardi 16 mars 2021 1h30


Cette nuit fut courte et agitée de rêves sans aucun rapport avec la journée qui précède. 

C'est du moins ce que je ressens une fois éveillé mais l'exceptionnalité des faits explique peut-être cela.

Le rêve se raconte difficilement tant il est fait d'images confuses, répétées, souvent contradictoires et tellement nombreuses qu'il faudrait une machine pour les enregistrer et les trier puis sélectionner les plus significatives afin de rendre le récit intelligible. 

À défaut de cette machine de rêve, je vais tenter de vous résumer l'essentiel :

Lors d'une conversation téléphonique avec ma correspondante, mon amie peut-être mais je n'en suis pas sûr, une joute intellectuelle s'engagea à propos de la pandémie qui paralysait le monde aujourd'hui.

J'imaginais que le virus qui bouleversait la vie de milliards d'individus n'était qu'une vaste fumisterie inventée par un génial Chinois pour emmerder les Américains.

Et me voici expliquant à mon amie et à grands renforts d'arguments que toute cette pagaille internationale qui faisait des milliers de morts n’était que l'effet d'un placebo inversé.

Il avait suffit à cet éminent scientifique de prouver que la propagation d'une idée pouvait déclencher une pathologie tout comme l'injection d'un pseudo médicament pouvait guérir de cette même maladie. 

Pour agir sur l'inconscient collectif de ses congénères il fallait que la cause en soit  invisible et quoi de plus invisible qu'un virus ? …

Alors il me revint à l'esprit qu'il y a cinquante ans une panne d'ordinateur pouvait paralyser tout un secteur de l'économie et rendre malades les ingénieurs chargés de réparer le système. 

Certains de ces cerveaux les plus impliqués dans le processus de développement de cette industrie avaient même tenté de mettre fin à leurs jours tant un sentiment d'échec les rongeait. 

À cette époque, la plupart des pannes informatiques avaient pour origine un insecte inoffensif appelé cafard ou bug en anglais. 

IBM tenait la dragée haute à tous les chercheurs du monde entier par l'avance technique qu'ils avaient dans ce domaine. 

L' « ORDINATEUR » était un monstre sacré qui occupait tout un étage d'immeuble de mille mètres carrés sur quatre mètres de hauteur. 

Un faux plancher plus un faux plafond de cinquante centimètres chacun abritaient une multitude de câbles électriques de tous diamètres et de toutes couleurs. 

À l'entrée et à la sortie de cette énorme machine des opératrices entraient des données et ressortaient les résultats de savants calculs grâce à des claviers spéciaux et dans des gouttières de cartes perforées d'où leur nom de « perfo-vérif ». 

Tout cet ensemble devait œuvrer à une température constante de vingt degrés avec une tolérance de plus ou moins un degré. 

Cette fragilité hantait les informaticiens car la recherche de l'intrus (le bug) pouvait durer des heures voire des jours.

Les millions de circuits électroniques étaient fixés sur de grands panneaux coulissants pour permettre l'accès à des techniciens d'intervenir rapidement. 

Alors la chasse au bug commençait car, vous l'avez deviné, cet insecte appréciait particulièrement ces endroits où la température était douce et constante. 

Seulement il leur arrivait de passer sur des pistes de cuivre dont la tension était opposée et la bestiole grillait instantanément et parfois restait accrochée à son piège formant ainsi un semi-conducteur carboné propre à perturber tous les résultats de la grosse machine. 

Ceci n'est qu'une infime parenthèse de mon rêve mais elle révèle la notion de visible et invisible.

Aujourd’hui le virus informatique a remplacé le bug et le « portable » que nous trimballons partout dans notre poche est des millions de fois plus puissant que l'ordinateur décrit plus haut. 

Proportionnellement on pourrait comparer la taille du cafard (bug en anglais) et celle d'un virus.

En un demi siècle nous avions appris plus que dans toute l'histoire de l'humanité.

Mais revenons à mon rêve.

Mon Chinois, de connivence avec quelques confrères, attribue la mauvaise grippe puis la mort d'un des leurs à un virus transmis par imprudence et d'origine animale. 

Si, pensait-il, on pouvait soigner beaucoup de gens de certaines affections par l'administration d'un placebo il devait être possible d'obtenir l'effet inverse en diffusant l'idée d'une maladie dans le psychisme de nos semblables.

La grippe concerne en effet quelques cas sévères dans cette région mais rien d’alarmant en regard du passé et des capacités des médecins à juguler cette pathologie bien connue.

Mais cette fois-ci ces savants malfaisants ont décidé d'y introduire cette idée de dangerosité.

Chaque consultation chez son médecin est accompagnée du soupçon de grippe nouvelle due à un nouveau virus appelé coronavirus.

Et voilà !, la machine à broyer les cerveaux est partie. 

La panique s'empare de toute la ville puis très vite, grâce aux médias et réseaux sociaux, de tout le pays. 

Mais les virus ne connaissent pas les frontières. 

Le processus se développe et se répand bientôt hors du pays puis sur la terre entière.

On ne meurt plus de vieillesse mais, vraisemblablement de la Covid19 puisque tel est le nom international que les savants du monde lui ont attribué. 

Bientôt la moitié des lits d'hôpitaux sont réservés à des malades présentant des souffrances respiratoires. 

Des mesures prophylactiques sont prises dans ce sens et … … …

Mais je suis réveillé, mes yeux sont encore fermés et je confonds mon rêve et la réalité. 

C'est cette zone floue où l'on voudrait se rendormir pour connaître la suite de cette terrible histoire, retrouver le fil conducteur d'un roman inimaginable, espérer que nous sommes toujours dans notre rêve et que tout ceci n'est qu'un cauchemar.

Mais non hélas ! Ma vessie me rappelle à la réalité consciente et m'extirpe de ma couette douillette.

J'ai fait un rêve puis il est devenu cauchemar puis réalité mais est-ce vraiment la réalité ?

Pour quand la majorité de l'homme ?

 

Il y a cinq ans (déjà), je vous parlais de laïcité, de religions, de croyances, de cultures très distantes les unes des autres et, par conséquent, des sensibilités personnelles qu'elles induisaient dans le cœur de chaque être humain.

 Nous, les Français, le peuple des Lumières, avons été les premiers à parler d'égalité, de fraternité et de liberté.

 Nous avons réussi à briser la coquille de la féodalité qui régissait le monde depuis la nuit des temps.

 Cette liberté vient une fois de plus aujourd'hui ajouter un bémol à cette prestigieuse trilogie.

 Notre professeur d'histoire-géo vient d'être décapité en pleine rue par un gamin de dix-huit ans d'origine Tchétchène.

 C'est l'horreur et la sidération.

 Samuel Paty savait-il qu'il allait provoquer un malaise parmi ses élèves en leurs expliquant ce qu'était la liberté d'expression ?

 Ceux qui, d'origine Maghrébine, musulmans pour certains, ont vécu confusément le massacre de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 (Ils étaient encore petits ) ont peut-être gardé en mémoire le malaise que vivaient leurs aînés ? 

 En quels termes en a-t-on parlé dans leurs familles ?

 Quelle importance tient "le Prophète" dans leur éducation ?

 Peut-on leur reprocher de n'avoir pas le même humour que nous ?

 Autant de questions qu'aurait pu se poser ce professeur en préparant son cours.

 L'a-t-il fait ? Je ne le crois pas.

 Si les élèves qui ont assisté à son cours se souviennent de l'atmosphère perceptible ce jour-là, ils auront pu observer la gène que généraient certains propos sur leurs camarades de confession islamique.

 Nous devons tenir compte des sensibilités diverses de tous nos concitoyens, de tous nos voisins y compris les plus éloignés.

Nous sommes dans un pays de droits et de liberté.

 Ces deux mots sont antinomiques : le droit dresse des barrières alors que la liberté voudrait qu'elles n'existassent pas. 

A-t-on le droit de se moquer de tout, OUI.

 A-t-on le droit de rire de ce que d’autres considèrent comme sacré, OUI. 

A-t-on le droit de caricaturer publiquement des idoles ? OUI. 

 A-t-on le droit d’insulter, de blasphémer, d’humilier ? OUI au nom de la liberté d'expression. Tient, drôle de paradoxe, ne trouvez-vous pas?

Le droit, les droits on-t-ils été créés pour cela ? NON. 

La laïcité, qui n’est pas un droit mais une valeur, est une merveilleuse invention qui devrait permettre à tous de coexister et de cohabiter. 

Le DROIT en revanche est un outil dont notre société s’est doté afin de contenir et de prévenir tout débordement. 

Il met à notre disposition des arbitres qui sont dans les tribunaux. 

Il est comme une route où tout le monde peut circuler de Paris à Pékin et de Pékin à Paris.

Il est surtout comme une ligne jaune à ne pas franchir sous peine de châtiment. 


De l’autre côté de cette ligne il y a ceux qui vont en sens inverse, c’est leur liberté. 


Mais alors, si nous avons le droit il suffit de l’utiliser. 


Et voilà où le bât blesse : « j’ai le droit ! ». 


Qu’a fait Charlie ? il s’est amusé à frôler la ligne jaune pour faire peur à ceux qui roulaient dans le sens inverse. 

 Il ne l'a pas franchie donc il était dans son droit.

Il a pris le risque inutile de provoquer un mauvais réflexe chez le conducteur d’en face … … … 

Et le carnage s’est produit ! « J’ai le droit donc je m’en sers ». 


C’est ce que disent les imprudents. 


Car, enfin, qu’est-ce que nous voulons ? 


Montrer au monde entier que nous avons raison d’être libres ? 


Prouver que l’amour et l’humour sont compatibles ?

 Démontrer que la laïcité est la seule manière de vivre en paix ?  

Ou, tout simplement, vivre en paix ? 

Pour ma part, c’est cette dernière option qui me paraît la plus sage. 

Nos valeurs républicaines et laïques sont largement partagées bien au-delà de nos frontières. 


Hélas les graines de liberté que nous avons semées à la surface du globe ne germent pas toutes en même temps. 


Elles dépendent du terreau sur lequel elles sont tombées. 


Il suffit d’attendre et de les laisser germer sans précipitation. 


Elles finiront bien par fleurir ... 


Il faut respecter les différences de civilisations et surtout respecter tous les individus avec toutes leurs sensibilités.

 Cela s'appelle la courtoisie, l'égard, la bonté, la générosité, le respect. 

Nous pouvons tous rouler sur la route de la fraternité, elle est à la disposition de tous, mais, de grâce, restons prudents et courtois.

Respectons-nous les uns, les autres à défaut de nous aimer.

La paix dans le monde est à ce prix.