Affaire Aude Rossigneux

 

Comme tous les Sociaux (je pense), je suis triste pour Aude d'apprendre son éviction de notre chaîne.

L'absence de commentaire de l'info laisse penser que la présentatrice porte toute la responsabilité sur ses frêles épaules.

Non, ce sont les balbutiements inhérents à toute naissance.

Il y a d'autres petites imperfections qu'il faudra corriger au fil de l'évolution de notre chaîne.

Regardez, un nouveau-né par exemple, tout le monde se penche et s'extasie sur la beauté du petit bout de viande fripé puis, la porte de la chambre franchie, "bah, pas besoin de neuf mois pour pondre ça!".

Ca n'est que plus tard (parfois bien plus tard) que l'intérêt renaît pour la chose insignifiante.

L'engouement de la première heure n'est que le reflet de notre curiosité naturelle.

Il s'ensuit une période de dépression dont Maude a fait les frais mais si l'on ne corrige pas de suite d'autres petites imperfections dues à notre inexpérience (je pense aux cadrages alternés des caméras non suivis par les trois "acteurs"), (je pense aux gesticulations de personnages d'arrière-plan qui n'ont rien à faire dans le champ), (je pense aux décors d'ambiances et de fonds qui n'ont pas été étudiés suffisamment), (je pense aux éclairages qui laissent encore trop de contre-jours ou de zones d'ombres), tous ces petits défauts participent insidieusement du désintérêt du téléspectateurs lambda pour notre nouveau-né.

Bref, quels que soient les talents de nos animateurs, elles et ils ne peuvent tout faire.

Alors Maude, peut-être quelques petites retouches sur un "look" plus moderne, plus chatoyant et je suis sûr que nous te reverrons bientôt sur nos écrans.

Bon courage à toutes et à tous.


Piteur

Nous, les gens de gauche


Nous, les gens de gauche, sommes plus nombreux que les gens de droite. Nous sommes même des milliers de fois plus nombreux.


Nous nous croisons, nous entrechoquons, nous accrochons
parfois avec nos chariots pleins de victuailles en prévision des fêtes de fin d'année. 

"Pouvez pas faire attention nan, vous êtes pas toute seule ! 

Ho, pardon, je n'vous avais pas reconnue.

Bonjour madame Tartempion, alors on est de corvée à c'que j'vois... 

Hé oui ! je vois que vous n'y échappez pas non plus ?!"

Madame Tartempion et moi ainsi que des milliers de voisins
de pallier sacrifient au rituel de fin d'année, les yeux rivés sur les
montagnes de denrées à la recherche du "petit plus" qui nous
distinguera de nos voisins décidément trop traditionnels.

Nous sommes ces milliers de Françaises, de Français colorés,
bronzés ou blancs (souffrez que je n'emploie qu'un genre par commodité), d'ici ou d'ailleurs à casser la tirelire pour satisfaire à la sacro-sainte fête de la consommation.

A l'évidence nous sommes plus nombreux que les dirigeants du
magasin qui nous surveillent du bout de leurs caméras au cas où certains trouveraient la vie trop chère et se laisseraient tenter par de petites réductions de ci de là ...

Cette proportion, je devrais dire cette disproportion entre
cette foule grouillante et gourmande et nos riches fournisseurs est telle que, logiquement le nombre des bulletins de vote "de gauche" devrait être supérieur à celui des bulletins de vote "de droite".

Cette foule qui vit très bien d'un revenu moyen satisfaisant
choisit pourtant le bulletin bleu dans le secret de l'isoloir car elle est
persuadée que seuls les dirigeants du magasin sont capables de garantir ce fragile équilibre. 

Cette foule s'en fout totalement que, grâce à elle, la direction, son directeur, les banques qui le soutiennent, les intermédiaires qui s'en mettent plein les poches et tous les satellites qui gravitent autour de la planète FRIC accumulent de l'or dont ils ne savent quoi faire. 

Ils vivent dans un autre monde à l'abri (leur semblent-ils) des "turpitudes de la masse laborieuse".

Beaucoup mais pas assez voudraient utiliser cet or excédentaire à des fins humanitaires.

Malheureusement cette accumulation de "richesses"
n'est pas consommable. 

Elle est le fruit d'une détérioration croissante de notre bonne vieille TERRE.

Les richesses, les vraies, celles qui permettraient à
l'espèce humaine de survivre sont déjà dilapidées.

Peu importe se disent-ils, retroussons-nous les manches et 
au boulot !

Et c'est là que nous passons pour de joyeux utopistes.

Il faudrait que tous les humains de la terre se retroussent
les manches en même temps et décident d'une conduite à minima de vie, de naissances, de consommation, de prélèvements sur terre et dans l'eau, de déplacements, tout ce dont l'humanité peut se passer et dont une immense partie se passe déjà.

Hélas notre minorité a tout bouffé.

Il ne reste que des montagnes et océans de déchets dont nos
frères animaux se nourrissent au risque de disparaître entraînant derrière eux une grande partie de la biodiversité.

Je crains qu'il ne soit déjà trop tard pour déposer le
bulletin rouge dans l'urne. 

Les carottes sont cuites.

Toutes les précautions que nous prenons à cet instant ne
sont qu'un grand cri de détresse à l'adresse d'un Dieu salvateur mais, hélas, inexistant.

Nous sommes très nombreux, voire unanimes, à partager cette
idée phare que désormais il est trop tard.

Mais tant que nous vivons, tant qu'il y aura du pétrole, des
bagnoles et de la musique, pourquoi devrions-nous nous en passer ?

Pour en laisser à nos enfants ?

Mais leur laisser quoi ?

Une maison propre ?

Une planète toute neuve, bleue et verte sans trace de notre
voracité ?

Alors cette fuite en avant, cette boulimie de petits bonheurs, cette accumulation éhontée de biens matériels ne seraient-il pas plutôt les prémices d'une mort annoncée ?


Danse et décadence.


L'orchestre vient de s'installer. 

Un portique de tubes d'aluminium soudés sert de support à des rampes de lumières colorées, des spots, des flashs, des canons laser, des fumigènes et accessoirement quelques gadgets que je découvre et qui renforcent le coté spectaculaire de la scène. 

Celle-ci est encombrée de câbles de toutes sortes reliant un ordinateur portable, une table de mixage, quatre énormes haut-parleurs, des micros sur leur trépieds et d'autres caissons dont j'ignore la fonction ainsi que la double rangée de gamelles noires destinées à colorer la piste et le public en harmonie avec le son.

"A la batterie : Fifi annonce l'animateur de la soirée". 

A la trompette : Gégé ... , à la guitare : Lulu ... , à la basse : Momo ... , et ainsi de suite sont présentés une douzaine de musiciens comme sortis d'un chapeau. 

Il pianote sur une console entre chaque présentation et un solo de l'instrument cité émerge de l'ensemble tonitruant.

Puis la musique ressurgit et mugit des quatre caisses noires avec, il faut bien le reconnaître, une synchronisation parfaite due à la maîtrise acrobatique du disque-jockey.

Sur la piste des jeunes commencent à se trémousser sur une chorégraphie inspirée directement de la cage aux singes lorsqu'ils veulent attirer l'attention sur eux. 

Ils ont presque tous une cannette dans une main, un "smart phone" dans l'autre et une cigarette au centre des lèvres. 

Filles et garçons arborent ostensiblement tatouages, piercings ou autres fantaisies qui témoignent de la violence de notre époque. 

Des étoiles, rubans et anneaux de couleurs changeantes scintillent sur leurs corps et les habillent de lumières extravagantes.

Je me trouve à une vingtaine de mètres face à cet orchestre sans musiciens mais éblouissant d'effets lumineux clignotant au rythme  des divers tempos. 

Mon voisin tente de me dire quelque chose mais le vacarme assourdissant interdit tout échange verbal. 

Cet échec le fait se rapprocher de mon oreille et il me hurle : "ça arrache hein ?!"

Loin d'obtenir mon approbation, je lui fais signe que je m'en vais.

 Je ne peux supporter cette torture plus longtemps. 

J'ai l'impression que mes tympans sont broyés et que les sons parviennent à mon cerveau à travers mon corps tout entier massant au passage l'ensemble de mes viscères. 

Cette sensation jusqu'alors inconnue ne me déplait pas mais la dose est trop forte et, cette fois, c'est moi qui "m'arrache" de cet enfer.

Est-il utile de vous rappeler les petits bal-musettes de ma jeunesse ?

Non, bien sûr. 

Tous les vieux s'en souviennent. 

Je vous vois même tapoter du pieds au souvenir du rythme de l'accordéon. 

La musique nous a laissé tant de mélodies sur les trois temps d'une valse que mon cœur se gonfle et mes yeux se mouillent à l'évocation de ce temps-là.

La campagne, l'odeur du foin, le lait chaud du pis de la vache, la charrette tirée par de forts chevaux, le charretier et ses jurons.

Et la petite école, le maître en blouse grise, vous y étiez vous aussi.

Puis, à la fin de la semaine le petit bal et ses lampions, les couples tournoyant au son de l'accordéon, le plancher de parquet où l'on jetait une poignée de savon en paillettes.

La guerre était encore présente dans toutes les têtes mais nous voulions tourner la page et nous amuser. 

Et alors pour ça, on s'est bien amusé ...