Le travail et l'emploi

Vingt ans plus tard, en 1954, Ellul estime que si la technique a changé de statut : si elle a cessé d'être ce qu'elle était depuis toujours, "un vaste ensemble de moyens assignés chacun à une fin", si elle s'est muée en "milieu environnant à part entière", si elle est désormais un phénomène autonome échappant ainsi de plus en plus au contrôle de l'homme et faisant peser sur lui un grand nombre de déterminations, c'est qu'imperceptiblement (c'est-à-dire en deçà du seuil de la conscience), elle est sacralisée. 

Deux notions contradictoires et pourtant utilisées dans un même concept. 

« La nature a horreur du vide » donc un individu ne peut rester inactif : le vide d'action semble contribuer au désœuvrement donc à la délinquance.

L'emploi, quel qu'il soit, outre le mérite de diminuer le nombre de chômeurs, comble un vide qui serait source d'insécurité. 

Mais les machines que nous avons fabriquées grâce à nos travailleurs ont remplacé peu à peu les emplois manuels chronophages et laissé des vides de plus en plus préoccupants. 

Dans des secteurs industriels de pointe, on continue encore d'imposer des heures supplémentaires à des employés quand d'autres sont au chômage.

Si le travail est le critère d'épanouissement le plus commun selon le mode de fonctionnement des sociétés occidentales je pense qu'il devrait être partagé afin de répondre à cette arithmétique incontestable : si 3 employés travaillant 8 heures chacun par jours réalisent une tâche X, ne pourrait-on embaucher un travailleur de plus et ainsi obtenir le même résultat avec 4 employés travaillant 6 heures ou 6 employés à 4 h/j ou 8 E à 3 h/j etc. … , etc. … Raisonnablement on pourrait en effet doubler le nombre d'emplois sans changer le sacrosaint P.I.B. qu'il faudra bien réduire par conséquent.

Il y aurait du travail pour tous par alternance ou par rotation et chacun se sentirait l'égal de son voisin du moins dans le traitement du chômage.

Celui-ci serait résorbé tout en permettant à des milliers de travailleurs d'occuper leur temps libre à d'autres activités dont la formation à de nouveaux métiers s'ils le désirent ou du repos supplémentaire ou la méditation. 

Des emplois nouveaux de la culture des loisirs fleuriraient; d'autres seraient destinés à l'enseignement, la formation continue, source d'égalité et de paix, d'autres encore seraient créés pour le service à la personne pour tous les âges de la vie, santé, enfance, formation alternée, grand âge, accompagnement, etc. …

Il conviendrait dans le même temps d'augmenter la qualité au détriment de la quantité, de consommer mieux et moins, d'inverser la courbe de la croissance jusqu'à retrouver un point d'équilibre satisfaisant pour la planète. 

Regardez ces tireurs de ficelles sur leurs yachts de milliardaires, ils n'ont aucun scrupule à jouir de la vie pendant que les sans grades leur remplissent leurs poches. 

Les salaires seraient divisés par deux, soit, mais comme 90% de ces soit-disant "richesses" sont totalement inutiles et même nuisibles pour la planète, nous ne produirions que ce qui nous est VRAIMENT UTILE et la moitié de nos revenus y pourvoirait largement.

La course au "toujours plus" que je dénonce là et ailleurs s'appelle la CROISSANCE. 

Cette croissance va nous broyer, nous exterminer tel un tsunami. 

Je vois l'immense vague approcher depuis l'horizon, je cris, j'alerte : " arrêtez vous ! revenez en arrière ! laissez le superflu ! abandonnez vos chimères ! ". 

Mais déjà le grondement assourdi la foule, cette foule qui se jette sur les soldes, qui dévore et vomit mais continue sa course folle sans entendre la menace, cette foule ivre des miettes que lui jette la poignée de nantis gavés à en crever du haut de leur tour de verre et d'acier, cette foule triste se disputant le pré carré de l'un de l'autre à la recherche des miettes les plus grosses.

Mais pauvre foule, ne vois-tu pas que c'est toi qui confectionne le pain des riches ?

Entre tes mains tu possèdes toutes les miettes du monde !



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